Un des premiers points que nous vérifions lorsque nous effectuons la révision d’un contrat est la section comportant la désignation des personnes prenant part à l’entente. Il nous arrive souvent de constater des lacunes dans cette section qui est trop souvent négligée.

1. Risques

Une mauvaise désignation des parties peut avoir des répercussions considérables si l’une ou l’autre des parties contractantes n’est pas facilement identifiable.

Bien que le formalisme est de nos jours moins strict qu’il ne pouvait l’être par le passé, dans l’éventualité où une personne signe au nom d’une société par actions ou d’une autre entité, et que cette autre entité ne peut pas être facilement identifiée, cette personne s’expose à être tenue personnellement responsable des obligations de cette entité.

Ce risque est particulièrement dangereux dans un contexte où une société devient insolvable. Les cocontractants d’ententes où cette société est désignée de manière nébuleuse pourraient tenter d’obtenir la responsabilité personnelle de l’individu ayant signé pour la société afin de pouvoir bénéficier des actifs de cet individu et limiter leurs pertes liées aux problèmes de la Société, comme ce fut le cas dans la décision récente qui est présentée ci-dessous.

À l’inverse, une partie qui est mal identifiée à un contrat pourrait avoir de la difficulté à faire reconnaître ses droits s’il lui est impossible de démontrer que c’est bien elle qui bénéficie des modalités et conditions du contrat.

2. Cadre juridique applicable

Avant de poursuivre, nous souhaitons vous rappeler que la Loi sur les sociétés par actions (Québec) oblige les sociétés par actions régies par cette loi à indiquer son nom légal sur tous ses effets de commerce, contrats, factures et commandes de marchandises ou de services. Le nom légal est celui qui comporte l’expression « société par actions », « compagnie », « s.a. », « ltée », ou « inc. ». La Loi canadienne sur les sociétés par actions contient une obligation similaire.

La Loi sur la publicité légale des entreprises (Québec) prévoit quant à elle que les tiers de bonne foi peuvent se fier aux inscriptions contenues au registre des entreprises relativement au nom légal d’une entreprise immatriculée et de tout autre nom qui y est déclaré et sous lequel l’entreprise s’identifie.

3. Exemples de mauvaise désignation

À titre d’exemple, un contrat fait au nom d’ABC lorsqu’il existe un groupe de sociétés dont les noms sont « Groupe ABC inc. », « Entreprises ABC inc. » et « Gestion ABC inc. » pourrait être problématique étant donné que l’on ne sait pas quelle entité est visée. Un tribunal pourrait décider de faire porter la responsabilité au signataire plutôt qu’à l’une de ces sociétés.

L’utilisation d’une marque de commerce comme non d’emprunt alors qu’elle n’est pas déclarée au Registre des entreprises du Québec ni enregistrée auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada est aussi souvent problématique.

4. Un cas récent

4.1 Les faits

Dans l’affaire Garofalo c. Brabancourt (2017 QCCQ 8357), la société était désignée comme suit :

Secret d’hiver (9317-3946 Québec inc.)
ci-après nommé le film
[Adresse]
[…] dûment représentée aux présentes par Madame Barbancourt
ci-après nommée coproducteur

4.2 La décision

Il a été déterminé que la désignation ci-dessus est problématique à plusieurs égards. D’abord, l’entité n’est pas clairement désignée par son nom légal « 9317-3946 Québec inc. », mais plutôt par un nom d’emprunt « Secret d’hiver », lequel n’a pas été déclaré au registre des entreprises et ne permet pas de faire le lien avec 9317-3946 Québec inc.

Dans cette affaire, le cocontractant pensait que cette désignation numérique était une référence à un enregistrement du film et le juge a déterminé qu’il n’était pas déraisonnable pour un non-initié d’avoir cette croyance et de ne pas avoir compris qu’il s’agissait en fait du nom d’une société sans actifs.

Un autre aspect portant à confusion est que la désignation définit la société comme étant « le film » et sa représentante comme étant le « coproducteur ». Il n’est pas clair qu’est-ce qui constitue le film et qui est le coproducteur. De plus, la définition « le film » donne l’impression que l’on fait référence au film et non à une partie au contrat et que c’est plutôt Madame Barbancourt qui est la partie cocontractante.

Devant la confusion ainsi créée, il a été décidé de retenir la responsabilité personnelle de Madame Barbancourt, surtout que la société n’avait aucun actif et qu’elle avait été mal organisée (aucune action émise, aucun actif, aucune déclaration des noms d’emprunt au registre des entreprises).

4.3 À retenir :

Nous retenons notamment de cette décision:

  • Qu’il est important de bien désigner les personnes parties à un contrat afin d’éviter que les cocontractants d’une société insolvable ne puissent prétendre qu’ils ont en fait contracté directement avec les représentants de la société;
  • Qu’une société mal organisée peut donner plus facilement ouverture à la responsabilité personnelle de ceux qui agissent en son nom.

Cette décision rendue le 13 juillet 2017 émane de la Cour du Québec, division des petites créances et ne créera probablement pas un nouveau courant jurisprudentiel. Par contre, un nombre important de contrats qui sont susceptibles de se retrouver devant la division des petites créances sont également susceptibles de comporter diverses lacunes, notamment quant à l’identification des parties, en raison des faibles montants en cause et parce qu’ils ne sont donc pas souvent révisés par des professionnels.

5. Conclusion

Afin d’éviter de vous faire prendre au piège, nous vous suggérons de communiquer avec votre avocat afin qu’il vous fournisse des lignes directrices pour l’identification des parties à un contrat que vous pourrez mettre en place pour l’ensemble de vos ententes commerciales courantes, que ce soit à même vos modèles de contrats ou pour ceux que vous concluez avec des tiers.

Merci à Pascal Archambault et Félix Bernard pour leur contribution à cet article.