C’est entre autres sur cette question que s’est prononcée la Cour d’appel dans l’affaire Syndicat de copropriétés Club Tremblant, bloc F-G c. Hôtel du lac Tremblant inc. (2013 QCCA 2004).

Les faits

Dans cette affaire, un copropriétaire conteste certaines décisions adoptées par un syndicat de copropriété alors que le syndicat avait réduit ses droits de vote pour le motif qu’il était en conflit d’intérêts. La principale décision attaquée est celle autorisant la consutrction d’une piscine et d’un terrain de tennis sur les parties communes de la copropriété alors que le copropriétaire exclu détient neuf des vingt fractions de copropriété et exploite une piscine et un terrain de tennis ouverts au public sur une propriété adjacente.

La conclusion de la Cour

Tout comme le juge de première instance, les juges de la Cour d’appel n’ont pas retenu les arguments du syndicat de copropriété et ont confirmé l’invalidité des résolutions adoptées alors qu’un des copropriétaires en était exclu en raison d’un conflit d’intérêts actuel ou présumé. Les motifs de la Cour se lisent comme suit:

[13] Ce moyen méconnaît l’équilibre que crée le chapitre du Code civil du Québec sur la copropriété divise d’un immeuble entre les copropriétaires de cet immeuble. L’article 1090 C.c.Q. octroie à chaque copropriétaire un nombre de voix proportionnel à la valeur relative de sa fraction. Cette règle est impérative, on ne peut utiliser une autre méthode de calcul. En contrepartie, l’article 1064 C.c.Q. prévoit qu’un copropriétaire doit contribuer en proportion de la valeur relative de sa fraction aux charges résultant de la copropriété et de l’exploitation de l’immeuble. En d’autres mots, un copropriétaire qui possède une grande proportion de la valeur de l’immeuble a plus de poids dans la prise de décision lors des assemblées annuelles mais doit payer une plus grande partie des coûts associés à l’immeuble. Cette répartition des droits et des obligations est fondamentale.
 
[14] Aux articles 1091, 1092, 1093, 1094, 1096, 1097, 1098 et 1099 C.c.Q., le législateur a minutieusement réglementé l’exercice du droit de vote par les copropriétaires. Aucune disposition ne prévoit une modification du nombre de voix attribuées à un copropriétaire qui possède plus d’une fraction de la copropriété. Manifestement, introduire dans ce régime une notion prétorienne et malléable de conflit d’intérêts risquerait de déstabiliser ce régime et de susciter d’innombrables différends entre copropriétaires. Aucune des dispositions susdites ne prévoit une modification de la procédure de vote dans les cas où un copropriétaire serait en conflit d’intérêts. Aux articles 322, 323, 324 et 325, le Code impose explicitement à tout administrateur d’une personne morale des contraintes précises pour éviter les conflits d’intérêts. Il ne le fait pas dans le cas des copropriétaires.
 
[15] La définition de l’intérêt collectif que proposent les appelants est arbitraire et dénuée de fondement en droit. En l’espèce, une nouvelle piscine ne servirait pas à l’intimée car elle en possède déjà une. Voilà pourquoi elle voterait contre la résolution. Elle serait tout aussi justifiée de le faire qu’un copropriétaire qui voterait contre la proposition parce qu’il n’a pas l’intention de faire usage d’une piscine. Dans les deux cas, le vote exprime les intérêts particuliers et souvent divergents des copropriétaires.
 
[16] Le juge de première instance avait bien conscience de cet équilibre et il écrit avec raison dans ses motifs, au paragraphe [45] : « The rule in article 325 C.C.Q. requiring a director to abstain from discussion and votes on matters of personal interest would apply to Hôtel’s representatives when they act as directors of the Syndicates. » Voilà quelle est la protection que peuvent attendre de la loi les autres copropriétaires membres des appelants. (Nos soulignés)

Nous notons également la comparaison intéressante avec la possibilité de retirer les droits de vote d’un actionnaire en raison d’un conflit d’intérêts qui a été effectuée par le juge de première instance (Hôtel du Lac Tremblant inc. c. Syndicat de copropriété Club Tremblant, bloc FG (2013 QCCS 1199)):

[42] Moreover, principles of company law recognize that a shareholder is free to vote according to his personal interest, and is not required to vote in the best interest of the company.  The principle was stated more than one hundred years ago in North-West Transportation Co. v. Beatty.

[E]very shareholder has a perfect right to vote upon any such question, although he may have a personal interest in the subject-matter opposed to, or different from, the general or particular interests of the company.

[43] This principle should apply to divided co-owners, who are in an analogous position to shareholders when they vote at general meetings.  Syndicates and corporations are both legal persons under the Civil Code, and co-owners, like shareholders, retain the ultimate authority to decide the affairs of the body at a general meeting.

Recommandations

À la lumière de ce qui précède, une personne souhaitant faire l’acquisition d’une fraction de copropriété devrait porter une attention particulière à la répartition des autres fractions de la coropriété et à l’identité des autres copropriétaires. En effet, si un copropriétaire a un poids considérable lors de la prise des décisions du syndicat, il y a un risque que le futur copropriétaire ait plus de difficulté à faire approuver ses demandes ou projets futurs par le syndicat de copropriété qui iraient à l’encontre des intérêts de ce copropriétaire.